Portrait

Pierre-Claver Divoungui, le mythique maire de la ville de Port-Gentil

Pierre-Claver Divoungui, le mythique maire de la ville de Port-Gentil
Pierre-Claver Divoungui, le mythique maire de la ville de Port-Gentil © 2021 D.R./Info241

Sur l’ensemble du globe terrestre, la quasi-totalité des villes où l’activité industrielle est significative constitue souvent l’épicentre des contestations et des revendications multiformes. Au Gabon, la capitale économique Port-Gentil a la légendaire réputation de ville frondeuse et son insatisfaction et son rejet des décisions du pouvoir central de Libreville font d’elle « Port-Gentil la belle, Port-Gentil la rebelle ». Son maire, Pierre-Claver Divoungui, a su s’acclimater et attiser le respect et l’estime des populations de cette région du Gabon.

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 Naissance

C’est près d’un mois après le début de la « grande dépression » encore appelée « crise économique des années 1930 » liée pour plusieurs économistes au « Krach de 1929 » que vient au monde Pierre-Claver Divoungui. Nous sommes le 23 novembre 1929 au département de Bendje au renommé lac Anengué, situé dans la partie Ouest du Gabon à 170 km au sud de Libreville. Il est le frère aîné de celui qui fut vice-président du Gabon de 1997 à 2009, Didjob Divoungui Di Ndingue. On dit de lui qu’il était un père aimant et permissif, vouant une attention particulière aux plus vulnérables et remplit d’humilité et de charisme.

Pierre-Claver Divoungui avait son domicile principal à Port-Gentil au quartier dit « cité Shell ». Il y vivait avec ses épouses notamment, Pauline, qui hérita d’une de ses demeures au quartier « cité Otando » devenu « carrefour Izouwa » à cause de la boîte de nuit « Izouwa ». Elle s’y installa après la mort de son époux et ouvrit un restaurant africain concoctant uniquement des mets de viande de brousse de chez nous. Ledit restaurant existe toujours.

 Cursus scolaire

Pierre-Claver Divoungui entame ses études primaires dans la capitale de sa province natale à l’école primaire catholique du nom de « Saint-Louis ». On est en 1939 et il est alors âgé de 10 ans mais c’est une prouesse en ces temps d’occupation française. Puis, il les poursuit à Libreville à l’école « Montfort » et finit par obtenir en 1946, son Certificat d’études primaires indigènes (CEPI). C’est le saint-graal de la formation indigène de l’époque.

Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, plusieurs diplômés d’études primaires des colonies françaises d’Afrique poursuivent leurs études dans l’Hexagone, en signe de « remerciements » des autorités de Paris de l’époque suite à la participation des troupes africaines dans le dernier conflit mondial au côté de l’armée française. C’est ainsi que Pierre-Claver Divoungui rejoindra la France et suivra par correspondance, des cours de comptabilité à l’Ecole pratique de commerce de Lons-le-Saunier, située en Bourgogne-Franche-Comté.

Dans cet établissement professionnel français de commerce, Pierre-Claver Divoungui finira y par décrocher un brevet professionnel en comptabilité. Au Gabon, il se perfectionna au sein de la Chambre de commerce du pays et y sortit muni là aussi d’un brevet en comptabilité.

 Fonctions occupées

Pierre-Claver Divoungui débute sa carrière professionnelle en 1947 en tant que comptable titulaire jusqu’en février 1961. Un an après que le Gabon ait accédé à la souveraineté internationale, Pierre-Claver Divoungui rejoint les effectifs de la jeune Assemblée nationale gabonaise et occupe la fonction de premier secrétaire du bureau de l’Assemblée nationale de 1961 à 1966. Le 12 avril 1964, Divoungui remporte les élections législatives de la commune de Port-Gentil et porte ainsi la double casquette politique de maire et d’élu local, lui qui était déjà le maire central de la commune de Port-Gentil. Au sein de l’Assemblée nationale, il continue d’occuper une fonction de poids car il y devient vice-président après y avoir été premier secrétaire de la chambre haute du parlement gabonais. Il y restera 19 ans, de 1966 au 3 mars 1985.

Après qu’il ne soit retiré de l’hôtel de ville de Port-Gentil et qu’il ne soit plus le député de cette ville frondeuse du pays dès 1980, Pierre-Claver Divoungui fut tour à tour à partir de 1986, président du conseil d’administration de l’Union gabonaise de banque (UGB). Puis, président du conseil d’administration de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).

 Vie politique

Comme bon nombre de lettrés des provinces de la Ngounié et de la Nyanga, Pierre-Claver Divoungui était membre du Parti de l’unité nationale gabonaise (PUNGA) à l’instar de René-Paul Sousatte (RPS) qui fonda ledit parti, Jean-Jacques Boucavel, Valentin Mihindou Mi Nzamba ou encore Henri Moundounga. Mais bien avant que cette formation politique d’opposition ne voit le jour, beaucoup de ses différents acteurs étaient affiliés à l’Union sociale et démocrate gabonaise (USDG) dont la naissance et le management était l’œuvre de l’illustre homme politique franco-gabonais Jean-Hilaire Aubame (JHA).

Mais c’est l’élection qui suit le référendum constitutionnel français de 1957, avec pour effet immédiat la création de la « Communauté française » regroupant les différents territoires français d’Afrique, qui jettera la poudre dans la relation Aubame-Sousatte. Le président de l’USDG a toujours été le mentor politique de RPS mais JHA fait le choix de voter le « oui » lors du référendum, ce qui n’est pas du goût de Sousatte. Pour RPS, ce n’est pas l’idéal pour l’obtention d’une réelle indépendance, axe primordial d’une République forte et exemplaire.

René-Paul Sousatte crée alors, le 20 août 1958 à un mois du vote référendaire, une troisième formation politique qui fera campagne pour voter le « non » au référendum. Pierre-Claver Divoungui qui est en ces temps comptable titulaire, rejoint ses frères du sud du pays au sein du PUNGA. Bien que le « oui » l’ai emporté, le PUNGA devient un parti important de la sphère politique gabonaise car 15 000 gabonais ont effectivement suivi le parti politique de RPS.

Durant la seconde législature gabonaise (février 1961-avril 1964), les provinces d’opposition de la Ngounié et du Woleu-Ntem comptent le plus grand nombre de députés élus respectivement 11 et 10. Léon Mba et son parti, le BDG, se doit de réagir et décide alors d’appeler à l’unité nationale relative à une cohabitation managériale des institutions et de l’administration. Pierre-Claver Divoungui est propulsé alors premier secrétaire de l’Assemblée nationale en février 1961. Parti au pouvoir et formations politiques d’opposition se partagent ainsi les postes et fonctions clés de l’administration publique gabonaise pour taire les égos de chacun et stabiliser le pouvoir de Léon Mba.

C’est Pierre-Claver Divoungui qui dissout le PUNGA le 17 juin 1963. Il est devenu le président de ce parti le 18 février 1963. Chose curieuse pour plusieurs observateurs de la vie politique gabonaise qui pensaient que c’est toujours RPS qui avait la mainmise sur le parti. C’est Divoungui qui lira la déclaration officielle de dissolution du PUNGA en s’exprimant en ces termes « considérant que les étapes que s’étaient fixées le PUNGA sont pleinement atteintes et que l’évolution de l’Afrique sur l’échiquier international implique d’immenses sacrifices, j’ai décidé en ce jour, d’une manière solennelle, avec l’accord des membres du comité directeur, compte tenu des pouvoirs qui m’ont été conférés par le président national du parti, Mr René Paul Sousatte, en date du 18 février 1963, de dissoudre le PUNGA ».

Cette date est symbolique car elle est située un jour avant l’éviction des ministres du PUNGA et de l’USDG donnant lieu à un nouveau remaniement ministériel. Léon Mba instaure le « monopartisme » car désormais, il faut être rattaché à son parti, le Bloc démocratique gabonais (BDG), pour prétendre occuper de hautes fonctions dans la gestion de la chose publique.

C’est ainsi que plusieurs hommes politiques d’opposition rejoindront le BDG. Bien que Divoungui ait remporté l’élection législative du 12 avril 1964 sous la bannière de l’Union populaire pour la défense des intérêts de l’Ogooué-Maritime (UPPDIOM), il finira par rejoindre lui aussi le BDG de Léon Mba. Un an avant, il devint l’édile de la ville de Port-Gentil grâce à ses liens politiques étroits avec d’autres politiciens Marigovéens et certains caciques du BDG mais il n’appartenait pas encore officiellement au régime de Léon Mba.

 Son passage à la mairie de Port-Gentil

Quand Pierre-Claver Divoungui accède à la mairie centrale de Port-Gentil, il devient le deuxième maire élu de la commune et le troisième maire qu’a connu la ville. En effet, le premier locataire de l’hôtel de ville de Port-Gentil fut Etienne Makaga (1955-1956) mais celui fut nommé car la ville n’était pas encore une commune à part entière. En 1956, c’est Jeanne Valentine Piraube qui devint le premier maire élu de la commune sous la bannière de l’USDG et y demeura durant 7 ans.

Après cette dame, vint le tour de Divoungui qui occupa le fauteuil de maire de cette commune de 1963 à 1980 soit 17 longues années, un record jamais égalé jusqu’à ce jour. Sa connaissance de la ville et de ses riverains ont fait de cet homme, une autorité quasi « normale » toujours au chevet des populations Port-Gentillaises pour les aider à faire face aux maux qui minaient leur quotidien. Pierre-Claver Divoungui s’est aussi longtemps engagé dans le développement de la ville, favorisant entre autre l’activité halieutique, nécessaire à la consommation locale de ses administrés.

Divoungui, à chaque fois qu’il le pouvait, allait se ressourcer dans son « lac Anengué » natal et aimait aller à la rencontre des populations des villages et hameaux environnants. Certes, des solutions n’étaient pas souvent trouvées pour les différents problèmes qu’on lui posait mais son accessibilité était remarquable et très appréciée des gens. Bien qu’il ait rejoint les rangs du BDG de Léon Mba et du Parti démocratique gabonais (PDG) d’Albert Bernard Bongo, deux dirigeants n’ayant jamais vraiment eu l’estime des Port-Gentillais, Pierre-Claver Divoungui a toujours su se faire aimer des riverains de sa commune et tenir le discours approprié aux situations auxquelles ils faisaient face.

C’est lui qui fit de Port-Gentil durant sa mandature, l’une des villes les plus salubres si ce n’est la plus propre du pays. D’ailleurs, on distinguait un Port-Gentillais d’un concitoyen d’une autre ville par les gestes de propreté qu’il posait après la consommation d’une denrée ou d’une sucrerie emballée. Le premier cité avait le réflexe de jeter l’emballage dans des poubelles mises à disposition tandis que le second le jetait sans prêter attention au récipient à ordures. Divoungui s’était évertué à sensibiliser les riverains de sa commune sur la nécessité d’œuvrer à la propreté de la ville, et en ces temps Port-Gentil était un exemple pour le pays.

En outre, Pierre-Claver Divoungui a aussi œuvré au désenclavement de plusieurs quartiers populaires de la ville comme le quartier « Matiti » ou encore le quartier « Balise » en y construisant des routes et des écoles à l’instar des écoles publiques de la Balise, de Matiti et de Sainte-Thérèse pour ne citer que celles-là. Certes, ces écoles étaient difficiles d’accès car au début les routes étaient quasi-inexistantes mais les enfants pouvaient s’y rendre et n’étaient plus obligés de regagner Libreville pour continuer leurs études primaires ou secondaires.

Il fit développer plus tard, le réseau routier même s’il ne fut constitué que très souvent de latérite, de coltar et de gravier. On peut dire sans se tromper que les routes n’étaient sans doute pas normées mais les populations embrassèrent cette initiative car elles pouvaient désormais sillonner plusieurs artères de la ville sans entrave. C’est encore Divoungui qui construisit pour la première fois, les premiers logements sociaux pour y loger les plus vulnérables.

Ces logements à caractère social furent regroupés dans des cités et on vit sortir de terre des maisons destinées à abriter des gabonais économiquement faibles dans des cités telles que « la Cité Divoungui », la « Cité municipale » ou encore la cité située en face de la prison centrale de Port-Gentil. Il lutta aussi contre le chômage en embauchant plusieurs de ses compatriotes pour assurer l’hygiène de la ville mais aussi récolter des impôts ou encore assurer différents services publics dans les différentes mairies de la commune sans bien évidemment oublier la mairie centrale.

 Disparition

Pierre-Claver Divoungui décède le 30 avril 1998 à Nanterre en Ile-de-France. Il avait de graves problèmes de santé et son âge semblait peser sur lui bien que quand il fut rappelé auprès de ses ancêtres, il n’avait que 69 ans.

Il est l’éponyme d’un stade très renommé de la ville et bien au-delà du nom de « Stade municipal Pierre-Claver Divoungui ». Cet équipement culturel à but sportif peut-être aujourd’hui qualifié de « semi-moderne » car il doté d’une pelouse synthétique et compte plus de 5 000 places assises. Il accueille les matchs de première division, les rencontres de la Coupe du Gabon, les championnats de ligues et la Coupe de la ligue.

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