Grand angle sur le lapsus d’Ali Bongo : « J’invite les gabonais à être des cigales »
Nous ouvrons cette chronique en posant notre curseur sur l’action politique et managériale de la plus haute autorité de la République Gabonaise, ex-challenger ‘’Ali 9’’ de l’opposition gabonaise parsemée et transparente. Le candidat du PDG qui jadis avait promis « agir ensemble pour un Gabon émergent et pour conduire le Gabon vers un avenir en confiance » et qui arguait tonitruant à qui voulait l’attendre, « laissez-nous avancer ».
L’œil du citoyen s’autorise un regard serein en jetant sa loupe par l’amorce d’une autopsie de son premier septennat, puisqu’Ali Ben Bongo Ondimba prépare déjà le renouvèlement son mandat et érige une prétendue longévité anti-démocratique au pouvoir s’inspirant de Bongo père selon le son de cloche de l’opposition gabonaise sous le couvert du courant des « Souverainistes ».
Quid de l’engament au respect du devoir politique de rendre compte au peuple Gabonais !
Cette chronique est aiguillonnée dans sa phase inaugurale par la quintessence de l’œuvre engagée d’André Gide qui, à travers son hymne à l’autonomie de la pensée intellectuelle, Les nourritures terrestres, invite le lecteur à travers son personnage éponyme Nathanaël, à s’interroger sans cesse sur « l’incertitude de nos voies qui nous tourmente toute la vie… car tout choix est effrayant, quand on y songe : effrayante une liberté qui ne guide plus à un devoir ».
Notre billet met l’accent sur le devoir d’assumer la responsabilité de gouverner un pays par l’ensemble des autorités politiques gabonaises au pouvoir, et à rendre compte de plusieurs échecs criards qui font que le peuple constate étourdiment, aux revers répétés, des projets initiés par le Gouvernement et à un statuquo en ce qui est du développement réel du pays depuis l’essor du ‘’Gabon émergent’’. Car comme nous interpelle Gide, comment « agir sans juger si l’action est bonne ou mauvaise... Car nos actes s’attachent à nous comme sa lueur au phosphore. Ils nous consument, il est vrai mais ils nous font notre splendeur. »
Président de la République depuis 2009, Ali Bongo Ondimba a été l’un des ménestrels du courant dit des rénovateurs au sein du parti démocratique gabonais (PDG) qui dirige les arcanes décisionnels et institutionnels du Gabon depuis maintenant près de 47 ans. Même si avec étonnement, aux yeux du citoyen lambda, les partisans de l’émergence qui déduisent qu’ils ne cessent de faire avancer le pays, mais on ne sait dans quelle voie, et disent n’être pas comptables de l’action politique d’Omar Bongo Ondimba, patriarche dont il se revendique à corps et à cri l’héritage et la stratégie politique.
Le chef d’une nation en premier suivi du Premier ministre, de l’ensemble du gouvernement, tous les responsables, hauts fonctionnaires, fonctionnaires et agents ont un devoir républicain de la prise en compte des réalités quotidiennes du peuple et doivent rendre compte de leurs actions. Car la responsabilité de l’échec actuel est certes imputable à Ali Bongo et à la caste des dirigeants émergents. Mais si on regarde en toute lucidité, cet échec de la politique émergente est commun et partagé. Car raison gardée, comme le souligne un des conseillers politiques d’Ali Bongo « ce n’est pas le président de la République qui souhaite un relâchement par exemple de l’administration gabonaise qui brille par un manque de déontologie professionnelle et le sens du devoir patriotique. Ce n’est pas Ali Bongo qui dirige tous les marchés publics surfacturés commandés par l’État. »
Mais nous sommes dans l’obligation de répondre à ce cher conseiller que c’est Ali Bongo qui finance les projets comme, le festival promotionnel de la samba brésilienne, le « New-York Forum Africa » quand il manque des salles de classe, quand les grèves récurrentes à l’UOB sont dues au non-paiement de la bourse, quand le Centre hospitalier de Libreville manque d’eau et de médicaments de premiers soins, quand l’intérieur du pays s’enlise dans une précarité suite au manque de politique de décentralisation et de déconcentration. C’est encore Ali Bongo qui au frais du contribuable multiplie des déplacements inutiles et onéreux à l’étranger, tout récemment à la finale de la coupe du monde de football au Brésil, lorsqu’il n’existe pas un simple centre culturel gabonais, lorsqu’il manque d’eau et l’électricité potable dans certains quartiers de Libreville et à l’intérieur du pays, lorsque la circulation des automobiles au sein de la vitrine du Gabon est quasiment impossible du fait des sempiternels bouchons, lorsque la délinquance juvénile est devenue une porte de sortie pour la population jeune désœuvrée. Certes, il y a une volonté politique, mais nous sommes dans le regret de constater avec distance que le pays sombre dans un chaos total.
Une volonté politique à faire du Gabon un pays émergent pour quels résultats concrets ?
L’œil du citoyen a pu impassiblement observer une volonté affirmée des nouvelles puissances dirigeantes des systèmes au pouvoir, le Parti Démocratique Gabonais, les lobbys de la France-Afrique de la manne pétrolière, les gestionnaires du butin financier de la famille Bongo obtenu au détriment de l’enrichissement de tout le peuple que l’affaire impénétrable des biens mal acquis à mis au grand jour. D’ailleurs cette nouvelle dynamique admirable et teintée d’espoir n’a pas tardé à se rendre difficilement visible avec plusieurs créations d’agences nationales et plusieurs actions de grands projets (zone économique NKOK, projet d’industrialisation agricole Olam avec Singapour, lancement en grande pompe des travaux du port de Libreville avec la Chine).
Mais aussi, nous avons noté la rénovation et l’élargissement des réseaux routiers, mise à plat du fichier de soldes des fonctionnaires gabonais avec le paiement des rappels et autres primes de travail, règlementation de la gestion des bourses, signaux forts à lutter contre la gabegie chronique et la corruption endémique, nouvelle méthode de travail, toutes centralisées au palais du bord de mer. Les résultats sur le terrain ne suivent pas toujours. Les projets ne sont pas désenclavés, les provinces du Gabon se dé-popularisent, car il n’y a plus d’activités économiques. Tous les jeunes se rendent dans les grandes villes notamment Libreville où les conditions de logements sont de plus en plus désagréables, une cohabitation avec une insalubrité criante.
La volonté politique visait à apporter un nouveau management de gestion et de réussite des projets de développement du pays. Arrêtons-nous un tant soit peu sur la plus-value de ces ministères bis nommés agences nationales et l’incidence pragmatique de tous ces projets. Entre autres, l’agence nationale des grands travaux (ANGT), l’agence nationale des bourses et stages (ANBG), l’agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF) etc. qui a marqué le tournant du virage d’une volonté politique dont l’instigateur est Ali Bongo et sa nouvelle équipe d’argentiers, certes encourageant mais au finish avec des résultats sur le du quotidien des gabonais, qui vraisemblablement demeurent très mitigés, au regard l’état désastreux du pays. Tous les grands travaux comme celui d port de Libreville s’arrêtent après des lancements marketings en grande pompe, la couverture du réseau internet tarde toujours à être effective, plusieurs couacs ont été enregistrés par les étudiants boursiers en France notamment avec la nouvelle gestion des bourses par Campus France.
Marketing politique du refrain d’une tonalité émergente des ‘’cigales’’ et aggravation de la précarité
Après la remise d’un énième rapport sur la pauvreté concocté curieusement par la première dame du Gabon Sylvia Bongo, un passif appel du chef de l’Etat a été lancé, sur un prétendu pacte social dont la réalisation serait d’une urgence prioritaire. Nous observons médusés, une politique spectacle, avec la réussite indiscutable des faramineuses maquettes d’infographistes dotées des visuels qui mettent pleins les yeux, des cérémonies et projets de divertissements vides de sens et purement communicationnels et de marketing politique inspirées par une jeunesse avide de richesse matérielles sponsorisés par le cabinet de la présidence de la République. Et d’autres projets incongrus de tapage médiatique international portés par le richissime publiciste Richard Attias à l’instar de son forum New York Africa. Malheureusement tout ceci est toujours budgétisé par l’argent du contribuable gabonais, or le minimum requis de vie du peuple gabonais laisse à désirer.
Les citoyens s’exclament en ces termes : « qu’est ce qui empêche véritablement à nos dirigeants politiques confondus, à impulser un réel développement qui permettrait que le peuple gabonais bénéficie dans son ensemble d’une autosuffisance alimentaire, d’une couverture en électricité et en eau potable au sein de tout le territoire, d’une couverture maladie fiable, d’un réseau numérique à la pointe des TIC, d’un système éducatif digne et efficace, des universités et centre de recherche à la pointe, d’un réseau routier fiable et sécurisé ? Ceci nous oblige foncièrement à réfléchir sur le lapsus révélateur d’Ali Bongo Ondimba, qui interviewé par la presse gabonaise durant les commémorations des fêtes de la souveraineté nationale, le 17 août dernier, avait appelé les gabonais à être des cigales, se leurrant malencontreusement sur la mythique fable de Jean La Fontaine qui fait de la cigale, le symbole d’une paresse insouciante, passant son temps à chanter tout l’été. Et attendre la moisson de son amie la fourmi.
In fine, l’œil du citoyen n’est pas dupe et à l’heure du bilan, à l’heure où les cabinets souterrains, les lobbyings néocolonialistes, les agences de communication s’attèlent déjà à préparer la réélection d’Ali Bongo, sur le terrain, on assiste interloqué, l’évolution d’une fracture sociale, l’appauvrissement de populations au détriment d’une poignée partisane très richissime. Le quotidien misérable de précarité du peuple gabonais entrevoit un spectacle désolant qui doit être condamné avec la dernière énergie afin d’une remise en cause et surtout d’une intériorisation profonde du respect des engagements et du devoir politique des plus hautes responsabilités politiques au pouvoir. Car pour conclure avec André Gide, « tout ce qu’on garde en nous de connaissances distinctes restera distinct de nous jusqu’à la consommation des siècles. Que l’importance soit dans ton regard et non dans la chose regardée. »
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