Que dit le rapport de la CPI sur les violences et crimes commis au Gabon en 2016 ?
Deux ans après avoir été saisie par les autorités gabonaises, la Cour pénale internationale (CPI) a rendu hier son « verdict » sur son enquête préliminaire liée aux violences post-électorales d’août-septembre 2016. La CPI, bien que reconnaissant des violences et des meurtres probables, a estimé que ceux-ci ne pouvaient être qualifiés juridiquement de « crimes contre l’humanité ». Ils seraient donc de la compétence des tribunaux nationaux gabonais, accusés d’être à la solde du régime Bongo. La rédaction d’Info241 fait le point sur les principaux enseignements de cette décision de la CPI et du rapport de 62 pages qui en découle.
Tout d’abord, bien que le gouvernement gabonais dans sa saisine ait accusé le principal rival d’Ali Bongo, Jean Ping, de « crimes contre l’humanité » couvrant la période de mai à septembre 2016 contre notamment les « cafards » du régime d’Ali Bongo, la Cour n’a pas retenu cette allégation clairement militante. Elle s’est bornée dans son analyse préliminaire aux événements s’étant déroulés entre le 31 août et le 4 septembre 2016.
On y apprend par exemple que parmi ses allégations contre l’opposition, le gouvernement gabonais qualifie de crimes contre l’humanité, « plusieurs actes de destruction, d’incendie criminel et de pillage visant des édifices publics, ainsi que des commerces et des biens privés, dont certains appartenant à des responsables du Gouvernement ». Toute chose qui n’est juridiquement reconnu comme tel par les statuts du Traité de Rome.
A dire vrai, la CPI n’a mené aucune « enquête » véritable au Gabon. Elle a confronté les versions divergentes du gouvernement et de l’opposition sur les événements post-électoraux à l’aide la presse internationale. Ainsi, la décision rendue publique vendredi, repose uniquement sur les coupures de presse de médias tels que l’Agence france presse (AFP), Le Monde, Radio france internationale (RFI) et Jeune Afrique qui selon la CPI « possèdent une expérience importante et des compétences reconnues dans la couverture de violences postélectorales en Afrique ». Les médias gabonais ayant été écartés car pas très « sérieux » pour parler de tels faits ou jugés proches des protagonistes.
Outre la presse, la CPI indique que : « aucune des principales organisations internationales de défense des droits de l’homme n’a publié de rapport ou documenté des événements spécifiques liés à la situation au Gabon ». De plus, indique le rapport de 62 pages de la CPI, aucune plainte n’a été enregistrée par les autorités gabonaises, elles-mêmes parties prenantes dans ces allégations de crimes contre l’humanité par la société civile et l’opposition. En clair, la CPI aurait voulu que les victimes se plaignent chez leurs bourreaux présumés pour que des « enquêtes » soient ouvertes. Une autre hérésie !
Pour conclure, la CPI affirme au vu des renseignements dont elle a disposés, que les crimes présumés et le nombre de victimes dans la crise post-électorale gabonaise se dénombre de la manière suivante :
Meurtres commis et blessures causées : Le nombre de civils qui auraient été tués entre le 31 août et le 4 septembre 2016 varie de quatre, d’après le Gouvernement, à 300 d’après l’opposition. Toutefois, il n’existe des informations crédibles qu’en ce qui concerne trois à huit meurtres commis au cours de la période postélectorale, notamment le meurtre de deux personnes au cours de l’attaque contre le QG de l’opposition. De plus, 38 à 41 civils auraient été blessés sur la même période.
Le gouvernement affirme en outre qu’un agent de police a été tué et que 67 à 70 membres des forces de l’ordre auraient été blessés lors des événements en cause. Aucune perte parmi les forces de l’ordre n’a été à déplorer lors de l’attaque présumée contre le QG de l’opposition.
Disparitions forcées : L’opposition fait valoir qu’il existe 47 cas de disparitions forcées liées aux troubles qui ont suivi les élections ; elle n’a toutefois pas fourni plus de détails depuis qu’elle a avancé ce chiffre en septembre 2016.
Privation de liberté : Les renseignements disponibles donnent à penser qu’entre 800 et 1 100 personnes auraient été arrêtées au Gabon au cours de la période allant du 31 août au 4 septembre 2016, en particulier au cours des deux premiers jours. Le 1er septembre 2016, le Ministre de l’intérieur a rapporté que les forces de l’ordre avaient arrêté entre 600 et 800 personnes à Libreville, notamment au cours de l’attaque présumée contre le QG de Jean Ping, et effectué 200 à 300 arrestations dans d’autres villes. Les médias internationaux ont de manière générale fait état de plus d’un millier d’arrestations aux cours de ces cinq jours.
Torture et autres formes de mauvais traitement : L’opposition affirme qu’un grand nombre de ses partisans auraient subi des mauvais traitements au cours de leur détention, dont des actes de torture, sans toutefois donner plus de détails. Il semblerait également qu’un civil ait été détenu de force et torturé par des membres de l’opposition en raison de son affiliation présumée au Gouvernement.
Viol et autres formes de violence sexuelle : L’opposition prétend que des viols et d’autres formes de violence sexuelles auraient eu lieu dans le contexte des troubles postélectoraux, sans toutefois fournir davantage de renseignements pour étayer cette affirmation.
Persécution : Le gouvernement et l’opposition politique affirment chacun que les actes de violence qu’ils attribuent respectivement à l’opposition et aux forces de l’ordre auraient été commis de manière discriminatoire et qu’ils constitueraient de ce fait un crime de persécution.
Cliquez sur l’icone pour télécharger le rapport complet de la CPI sur la crise post-électorale gabonaise
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